Jules De Rode

 

Jean Baptiste Ghislain Jules De Rode, est né à Louvain le 26 mai 1851 et s'éteint le 30 septembre 1920 à Saint-Josse-ten-Noode. Il est le deuxième fils de Laurent De Rode, docteur en médecine, chirurgie et en art de l'accouchement, et de Virginie Pasteyns, mère au foyer.

Jules De Rode entre en Faculté de philosophie et lettres en 1869 à l'Université de Louvain pour suivre des études de droit. Bien qu'ayant suivi un parcours au sein d'une institution catholique, Jules De Rode embrasse la cause libérale en adhérant à l'Association libérale de Louvain. Il se présente en 1879 sur les listes électorales de l'Association libérale de Louvain et est élu en tant que conseiller communal en octobre de la même année. C'est à cette période qu'il rencontre Frédéric Lints (oncle de sa future épouse) alors conseiller puis président de l'Association libérale (réélu à l'unanimité des suffrages en 1885 et en 1889) ainsi qu'Auguste Lints (père de son épouse), qui sera élu échevin en 1882, fonction qu'il occupera jusqu'en 1889 date à laquelle il se retirera de la scène politique. Le 15 mai 1883, il épouse Mathilde Jeanne Marie Lints, sans profession, de sept ans sa cadette, fille de Léonie Marie Thérèse Angélique Sterckx, décédée à Louvain le 6 juin 1879, et Auguste Lints. De leur union naitront deux fils : Fernand, le 9 novembre 1883, et Jules, le 19 octobre 1884.

Devenu docteur en droit, avec distinction, le 17 avril 1873, il plaide, dès le 27 juin, au Tribunal civil de Louvain. Bien qu'aucun carnet militaire n'ait été conservé, Jules De Rode précise qu'il a « satisfait aux lois sur la milice et sur la garde civique ». Parfait bilingue, s'exprimant, selon le Procureur du Roi de l'arrondissement de Louvain, « avec aisance et non sans une certaine élégance », il passe pour être réfléchi et doué d'un bon jugement.

Dans sa progression, Jules De Rode semble bénéficier d'une conjecture politique particulièrement favorable. En effet, il occupe successivement, entre le 27 juin 1881 et le 16 janvier 1882, les postes de juge de paix suppléant du canton de Louvain, secrétaire du conseil de discipline de l'ordre des avocats et, enfin, de substitut du procureur du Roi le 16 janvier 1882, et ce pendant 10 ans, pour être ensuite appelé à d'autres fonctions. Cette avancée fulgurante coïncide avec la politique de nomination du ministre libéral de la Justice Jules Bara (1865-1870 ; 1878-1884). Il faut cependant préciser que cette affirmation est purement hypothétique. En effet, comme nous l'avons constaté au cours de nos recherches, les dossiers de nomination du Ministère de la Justice sont soigneusement épurés de toute recommandation politique et les papiers privés de Jules Bara restent muets quant à une éventuelle sollicitation de Jules De Rode à cet égard.

Ce n'est qu'en 1892, à la suite du départ de M. Beckman promu directeur général de la Troisième direction générale (législation, justice, grâces et patronage) que Jules De Rode est nommé directeur de la Première section de ce département. Cette dernière s’occupe de la section criminelle, ce qui lui vaudra d'être renommée à partir de 1894 « législation criminelle ». Par ses attributions, Jules De Rode semble être un interlocuteur privilégié de la Sûreté. En effet, par l'étendue et la diversité de ses prérogatives, il doit entretenir de nombreux liens avec les autorités étrangères et en particulier celles responsables de la surveillance des étrangers résidant sur leur territoire. De plus, grâce à ses compétences en matière législative il ne semble pas rare qu'il collabore étroitement avec le directeur général de la Sûreté à titre consultatif.

Sous le mandat du ministre de la Justice, Jules Le Jeune, il participe activement à la réorganisation de la Troisième direction générale de l’administration centrale (qui sera répartie en deux nouvelles divisions distinctes : l’une en charge de la législation civile et commerciale, l’autre de la législation pénale et statistique). C’est à la faveur de cette réforme administrative que, par arrêté royal du 30 octobre 1899, il est promu au rang de directeur général de la Troisième direction générale A (en charge de la législation pénale et statistique) du Ministère de la Justice, poste qu’il occupe jusqu’en 1903.

Les causes de son départ pourraient être liées aux élections de juin 1906. A ce moment, le parti socialiste est en proie à une grande agitation. Afin de contrer la mainmise des catholiques, le parti socialiste se lance dans une campagne de diffamation à l'égard du gouvernement catholique. A cette fin, les socialistes font ressurgir un vieux démon de la Sûreté publique : « l'affaire Pourbaix ». Cette affaire leur permet de relativiser les violentes émeutes, qui se multiplient durant le printemps 1906, en accusant le gouvernement d'attiser ces troubles par l'envoi d'agents chargés d'échauffer les esprits, par l'intermédiaire de la Sûreté. Bien que cette rumeur reste infondée il n'est pas impossible qu'elle pousse De Rode à la sortie. Cependant, nous pouvons affirmer, à la suite de la consultation des Annales parlementaires et de la presse, que le directeur général n'est pour rien dans les événements du printemps 1906. En effet, il n'a pas été poursuivi et les accusations portées contre la Sûreté, uniquement par voie de presse, cessent avec les résultats des élections. Enfin, cette date ne marque pas la fin de la carrière professionnelle de De Rode. La conservation de son titre de secrétaire général au Ministère de la Justice, qu'il occupera jusqu'en février 1919, peut être considérée comme une compensation à son départ de la Sûreté publique.

Son frère aîné, Guillaume Marie Ghislain Léon, réalisera, quant à lui, une brillante carrière dans la médecine. Médecin légiste, mais aussi médecin aliéniste, reconnu, des prisons du royaume (participant au 6e Congrès pénitentiaire international), publiant notamment dans le Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, membre de la Commission médicale de Louvain dès le 17 juin 1870 (à la suite du décès du docteur Vanhal), il est nommé président du Comité de la Croix rouge de Louvain, nouvellement fondé en 1903. Son frère cadet, Laurent Ghislain Marie Léon, deviendra, quant à lui, ingénieur. Bien que de rares collaborations, notamment dans le cadre du Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, ont eu lieu avec son frère aîné, il semble que Jules De Rode n'a joué aucun rôle dans le parcours et la réussite professionnels de ses frères.

 

Sources: 

  • Mélanie BOST, Traverser l'occupation 1914-1918 : du modus vivendi à la grève, la magistrature belge face aux occupants allemands, Université catholique de Louvain, 2013, (Thèse de doctorat en Histoire).
  • Luc KEUNINGS, "Ordre public et peur du rouge au XIXe siècle. La police, les socialistes et les anarchistes à Bruxelles (1886-1914)", dans Revue Belge d'histoire contemporaine, vol. 25, n° 3-4, 1994-1995, p. 329-396.
  • Luc KEUNINGS, Polices secrètes et secrets de polices à Bruxelles au XIXe siècle, Bruxelles, 2007.
  • Jan MOULAERT, Le mouvement anarchiste en Belgique, 1870-1914, Louvain-la-Neuve, 1996
  • Lode VAN OUTRIVE, Yves CARTUYVELS & Paul PONSAERS, Les polices en Belgique : histoire socio-politique du système policier de 1794 à nos jours, Bruxelles, 1991.

Titouan Boulanger

 

Notice rédigée dans le cadre du Séminaire d'histoire de la période contemporaine de l'Université catholique de Louvain (LHIST2280, professeur Emmanuel Debruyne). 

 

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